Histoire de cas – Épuisement professionnel
Voici l’histoire d’une personne œuvrant dans le milieu de la santé et des services sociaux qui a atteint le bout du rouleau et est en arrêt de travail. Son diagnostic varie entre trouble d’adaptation ou dépression majeure. Par contre, elle vous dira qu’elle considère que c’est le travail qui l’a rendu malade. Dans cet article vous en apprendrez davantage sur le concept d’épuisement professionnel à travers son histoire dans le but de mieux comprendre son vécu et comment cela peut être important à tenir en compte pour le rétablissement mais surtout la prévention d’une rechute.
Sylvie Larivière, travaille comme agente administrative à la réception d’un CHSLD. Elle s’occupe d’accueillir les visiteurs, de répondre au téléphone, de coordonner les déplacements des usagers et d’aider le personnel soignant dans tout ce qui concerne la gestion administrative des dossiers.
Sylvie travaille en CHSLD depuis 10 ans. Elle, qui se considère une personne sensible et empathique, souhaitait faire une différence dans la vie des usagers. Elle est une personne très organisée (du genre à utiliser des codes de couleurs), a beaucoup d’entregent, un sourire contagieux et est reconnue pour sa très grande patience. Dans les 5 dernières années, la charge de travail a augmenté, et des coupures dans le personnel ont amené une surcharge de travail. Sylvie était en mesure de répondre à la demande, la plupart du temps, mais revenait fatiguée à la maison. Puis, la crise liée à la pandémie de Covid-19 est venue chambouler son travail. D’abord, son rôle a changé. Elle qui avait l’habitude d’accueillir devait maintenant jouer un rôle similaire à celui d’un garde de sécurité qui dicte qui peut ou ne peut plus rentrer ou sortir du centre. Derrière son masque, son sourire ne lui était plus d’une grande aide. Les nombreux décès et les changements de section des usagers ont nécessité une quantité phénoménale de paperasse. Elle faisait des heures supplémentaires pour subvenir aux besoins, et déployaient beaucoup d’énergie pour gérer le stress énorme qu’elle ressentait. Elle qui valorisait le travail bien fait, a dû couper les coins ronds à quelques reprises, faisait des erreurs et était irritable avec ses collègues. Elle se disait que tous étaient dans sa situation, ses patrons étaient débordés, donc il fallait donner la main à la pâte et ne pas chialer. Puis, les problèmes de sommeil ont débuté, les douleurs au cou et au dos, ainsi que les maux de tête. Elle se disait à quoi bon prendre congé une journée, si le travail sera double le lendemain. Sylvie qui était patiente et sensible était devenu cynique et apathique face au destin de certains usagers. Elle ne se reconnaissait plus. Insidieusement, l’épuisement professionnel l’avait rendue dépressive, sans motivation, déconnectée des gens autour d’elle.
En bref, l’épuisement professionnel…
L’épuisement professionnel, rentre dans la catégorie de ce qu’on appelle une maladie professionnelle et fait partie plus largement des troubles d’adaptation, mais n’est pas un diagnostic médical reconnu.
Une des causes les plus communes d’épuisement professionnel est la présence d’un stress chronique principalement lié au travail ou à la conciliation travail-vie personnelle, qu’il soit positif (stimulant) ou négatif (paralysant), et les facteurs de risque peuvent être :
Personnels (à 40%) comme par exemple :
- Type de personnalité accordant une très grande importance au travail et présentant des traits perfectionnistes
- Faible estime de soi
- Attribution de ce qui lui arrive à des causes externes
Organisationnels (à 60%) comme par exemple :
- Surcharge de travail
- Manque d’autonomie
- Le fait de ne pas participer aux décisions liées à sa tâche.
L’épuisement professionnel se développe insidieusement, sur une longue période de temps, voire des années en 4 phases :
- Enthousiasme idéaliste : Une personne va déployer une grande somme d’énergie pour atteindre des attentes élevées de performance (des attentes qui peuvent être personnelles ou organisationnelles) sans obtenir de satisfaction. Ceci peut d’abord être fait avec passion et dévouement dans le cas d’une profession valorisante ou pour atteindre un confort financier en lien avec d’importantes entrées d’argent.
- Stagnation : Ici, le manque de support organisationnel, de soutien ou d’encadrement ainsi que la stagnation au niveau du développement professionnel est en cause. On ne sent pas qu’on évolue, qu’on s’améliore où qu’on apprend. On ne fait que survivre.
- Frustration : Les frustrations s’accumulent ainsi que le cynisme. La personne arrête de s’affirmer et de mettre ses limites, perd espoir que les choses peuvent changer.
- Apathie : Apparition de signes de fatigue comme la difficulté à se concentrer et l’apparition de symptômes physiques. Pour corriger la situation, le travailleur s’investi encore plus jusqu’à l’épuisement ou jusqu’au désengagement émotionnel total. Ici la personne dit ne plus se reconnaître, et peut parfois agir à l’encontre de ses valeurs.
Comment intervenir auprès d’une personne comme Sylvie? Chez Impact Réadaptation, l’évaluation rigoureuse des éléments contributeurs à l’arrêt de travail et des facteurs de risque de rechute ou des facteurs pouvant affecter négativement le pronostic de retour au travail est un élément essentiel à notre travail interdisciplinaire. Nous accompagnons le travailleur dans l’exploration des facteurs personnels et organisationnels ayant pu être en cause dans le développement de leur trouble de santé mentale. Également nous tentons d’intervenir sur les notions d’estime de soi, de perfectionnisme, la reconnaissance des signes de fatigue et les stratégies à mettre en place dans leur hygiène de vie et dans le cadre de leur travail afin de reconnaître et accepter leurs limites.
Nous pouvons également être amenés à accompagner le travail dans sa démarche de retour au travail afin de faciliter la mise en place de modalités facilitantes au retour au travail et également discuter des éléments contribuant à un risque de rechute. Nous accompagnons surtout le travailleur dans l’affirmation de ses besoins et de ses limites.
Marly Pinto
Ergothérapeuthe