Fatigue de compassion
Voici l’histoire d’une personne œuvrant dans le milieu de la santé et des services sociaux qui a atteint le bout du rouleau et est en arrêt de travail. Son diagnostic varie entre trouble d’adaptation ou dépression majeure. Par contre, il vous dira qu’il considère que c’est le travail qui l’a rendu malade. Dans cet article vous en apprendrez davantage sur le concept de fatigue de compassion à travers son histoire dans le but de mieux comprendre son vécu et comment cela peut être important à tenir en compte pour le rétablissement, mais surtout la prévention d’une rechute.
Marc Côté, est infirmier à l’urgence psychiatrique d’un centre hospitalier. Régulièrement, il soigne des personnes en détresse psychologique hospitalisées suite à une tentative de suicide ou pour des idées suicidaires.
Marc est une personne sensible et empathique. Il est apprécié de son équipe pour son humanisme et l’énergie positive qu’il dégage. Marc a un respect profond pour les patients et cela est ressenti de tous. Par contre, il peut avoir tendance à s’engager intensément dans l’histoire personnelle de ses patients qui sont pour la plupart très marginalisés et seuls. Parfois, la ligne est mince entre l’empathie et la suridentification aux émotions vécues par les patients. Dans les derniers mois, Marc a souvent bousculé dans cette dernière. Progressivement, Marc se sent de plus en plus fatigué et a de la difficulté à se lever le matin. Le coup de grâce arrive lorsque Marc apprend qu’un patient qui avait déjà été hospitalisé et avec qui il avait eu bonne connexion s’est retrouvé itinérant et qu’il est maintenant à nouveau hospitalisé pour une surdose de Fentanyl. Un désespoir s’empare de Marc. Des symptômes dépressifs apparaissent. Marc se laisse trainer à la maison, pleure à tout moment au travail et ne se sent plus capable d’être en contact avec tout type de souffrance. Son conjoint le sent triste, moins rieur et remarque que Marc a moins de libidos. Au travail, Marc passe plus de temps au poste derrière ses notes qu’avec les patients. Marc présente des signes d’épuisement professionnel ou de dépression, mais le concept de fatigue de compassion explique encore plus exactement sa situation.
Fatigue de compassion en bref…
Aussi appelé usure de compassion, ce concept est la manifestation d’un épuisement professionnel chez les personnes qui travaillent en relation d’aide et qui sont également en contact régulièrement avec un niveau élevé de détresse psychologique ou de souffrance. L’empathie, une composante importante de la relation d’aide devient la cause du stress chronique. Tout comme pour l’épuisement professionnel, la fatigue de compassion se présente insidieusement et la personne qui en souffre peut longtemps être en déni de ses signes et symptômes, car la personne est complètement envahie par la souffrance et la détresse de l’autre.
Facteurs de risque au travail :
- Nature des patients/clients : Des patients violents verbalement ou physiquement, non fidèles ou réfractaires au traitement, ou qui décrivent des événements de façon horrifiante vont grandement influencer la réaction de l’intervenant.
- Les conditions de travail telles que la surcharge de travail, les horaires brisés, l’isolement professionnel, le manque de formation et le sentiment de ne pas avoir de contrôle sont des facteurs importants.
- Les conflits dans l’équipe de travail, le cynisme et le négativisme contribueront à aggraver la souffrance. Absence de valorisation, de reconnaissance, de soutien ou de transparence, un manque de participation aux décisions ou des exigences irréalistes de la part de l’organisation.
Facteurs de risque personnels :
- Manque de prise de conscience par désir d’être perçu comme compétent ou encore, à l’espoir d’être désensibilisées par une exposition répétée. Ces personnes ne sont donc pas à l’écoute des signes avant-coureurs de leur malaise.
- Faible connaissance de soi, une mauvaise gestion du stress et des émotions, de hautes exigences envers soi-même et les autres, une difficulté à maintenir une distance thérapeutique saine, des comportements d’évitement, une incapacité à demander de l’aide, des problèmes ou traumatismes antérieurs non résolus, une mauvaise qualité de vie.
Saviez-vous?
Les neurones miroirs pourraient contribuer à la compréhension du phénomène de fatigue de compassion. Le fait d’être émotivement au diapason d’une personne souffrante activerait les mêmes régions neuronales et reproduirait la même émotion. L’action répétée de ces émotions entraînerait le traumatisme ou l’état de fatigue.
Comment intervenir auprès d’une personne comme Marc ? Chez Impact Réadaptation, l’évaluation rigoureuse des éléments contributeurs à l’arrêt de travail et des facteurs de risque de rechute ou des facteurs pouvant affecter négativement le pronostic de retour au travail est un élément essentiel à notre travail interdisciplinaire. Nous accompagnons le travailleur dans l’exploration des facteurs personnels et organisationnels ayant pu être en cause dans le développement de leur trouble de santé mentale. Également nous tentons d’intervenir sur les notions d’estime de soi, de perfectionnisme, la reconnaissance des signes de fatigue et les stratégies à mettre en place dans leur hygiène de vie et dans le cadre de leur travail afin de reconnaître et accepter leurs limites.
Nous pouvons également être amenés à accompagner le travail dans sa démarche de retour au travail afin de faciliter la mise en place de modalités facilitantes au retour au travail et également discuter des éléments contribuant à un risque de rechute. Nous accompagnons surtout le travailleur dans l’affirmation de ses besoins et de ses limites.
L’histoire de Marc est fictive, mais si elle ressemble à votre histoire, soyez assurés que le succès de l’approche interdisciplinaire utilisée chez IMPACT RÉADAPTATION n’est pas fictif!
Marly Pinto
Ergothérapeuthe